Le Boss s’habille en Bosc
À 50 ans l’ex PDG François Mazon a entamé des études de droit pour devenir avocat.
Tous les comics de Marvel présentent des constantes : un homme, presque ordinaire, souvent un scientifique, chercheur ou informaticien, devient super héros à la faveur d’un incident. Parmi ces invariants : un costume (pourquoi pas une robe noire), des pouvoirs inédits (les alinéas du Code de procédure pénale en fourmillent) et un déclic fondateur, exposition à une substance ou piqûre d’araignée c’est selon. Une fêlure originelle qui précipitera la mutation et le destin du personnage.
Mais les super-héros n’existent pas ! Pas davantage qu’un avocat qui confierait son admiration pour les magistrats, ferait l’éloge des legal tech et de la compliance ou parlerait « développement commercial », « marketing », « vente complexe » et « service client ».
C’est pourtant en ces termes que l’avocat François Mazon, ancien DG de Capgemini France et de Steria, évoque sa nouvelle profession. À 50 ans, il s’est réinventé spectaculairement. Ingénieur informatique, spécialiste de physique nucléaire, diplômé de Centrale (l’école…) et de Sciences Po, ce n’est ni à une irradiation, ni à une ingestion de kryptonite qu’il doit cette bifurcation radicale, mais à un trauma d’ordre judiciaire. Perquisitionné puis placé en garde à vue dans une enquête pour recel de favoritisme alors qu’il dirigeait une entreprise de 10 000 personnes, il s’investira profondément dans son dossier, épaulé par l’avocat Thibault de Montbrial, jusqu’au non-lieu final. Un apprentissage décisif de la « présomption d’intention » qui pèse « trop facilement » sur les dirigeants et d’un risque pénal dont il ignorait tout « comme la très grande majorité des responsables d’entreprises », assure-t-il. (…)
Avec sa connaissance de l’entreprise, Me Mazon y apporte une expertise rare, celle d’un « décodeur » entre deux mondes étanches, pour traduire au juge la problématique de ses clients. Il est une pierre de Rosette. « La personne la plus importante dans mon métier, ce n’est pas mon confrère, c’est mon client », assume-t-il.Pour établir le lien avec ce client et installer une notoriété de savoir-faire et de professionnalisme, François Mazon mise sur une approche en amont du contentieux. Conscient de l’imprévisibilité d’un contentieux pénal, il concentre son offre sur la formation des équipes dirigeantes (il a formé 700 dirigeants en 2 ans) et sur des services de conseil en pré-contentieux comme l’audit du risque pénal ou la construction de politiques de délégations de pouvoirs. Témoin de l’extension débridée du risque pénal en entreprise, il a aussi une idée claire des nouveaux contentieux à investir : fiscal, environnement, consommation. L’ancien entrepreneur n’omet pas non plus la communication : site web soigné, discours pensé, utilisation des réseaux sociaux, relations presse… Avant de faire irruption au barreau, en ’inscrivant à la faculté de droit d’Aix-en-Provence, ce stratège n’avait aucun plan B : « la meilleure façon de réussir, c’est de ne pas pouvoir échouer », nous révèle-t-il. Méthodique et pragmatique il avait déjà arrêté un plan pluriannuel en 5 étapes qu’il déroule avec résolution : devenir avocat (étape 1), apprendre le métier (étape 2), créer un cabinet (étape 3), en faire un cabinet de référence dans son domaine (étape 4). Et la 5 e étape ? « Un secret », élude-t-il malicieusement !